Analogie de la bagnole ≈043
Pas besoin d’être mécano pour conduire une voiture, ni d’être informaticien pour utiliser ChatGPT ! OK, mais aborder ces deux technologies en parallèle peut aider...
Bonjour,
Les bagnoles d’aujourd’hui sont conçues pour qu’on n’aie jamais à ouvrir le capot. Aux garagistes de le faire. Vous pouvez conduire des milliers, voire des dizaines de milliers, de kilomètres sans savoir ce qu’est un moteur ni comment ça marche. J’ai même rencontré une personne qui, après des années de conduite, s’est trouvée désemparée quand elle eût à s’occuper d’un pneu crevé.
De la même façon, vous avez au moins une fois, en tous cas je l’espère, utilisé ChatGPT pour rédiger des devoirs, produire des lettres officielles acceptables ou dresser un plan de table, de voyage, de réorganisation ou de note à proposer à votre chef de service.
Ce qui compte c’est le temps gagné.
Le reste on s’en fout ou, comme disait Deng Xiao Ping, « peu importe qu’un chat soit blanc ou noir pourvu qu’il attrape les souris ». Pas besoin de connaître le principe des injecteurs électroniques pourvu que la voiture vous transporte. Ne pas savoir ce qu’est un LLM (Large Language Model ou grand modèle de langue), base de l'IA générative, ne vous pénalise en rien pour tirer parti de ChatGPT.
Alors pourquoi vous dis-je qu’il en va de l’IA comme des bagnoles et pourquoi insister avec cette idée de culture digitale et de compréhension de l’IA… ? Pourquoi m’entêtai-je à publier Myriades avec l’espoir que cela vous intéresse ?
Parce qu’il n’y a pas que le moteur qui compte dans une voiture !
Pour les voitures, il n’y a pas que le moteur qui compte
Prenons quelques exemples de connaissances utiles pour ne pas mourir trop vite dans l'aventure. De quel côté se trouve le volant et si on conduit à droite ou à gauche; le fait qu’il faut mettre de l’essence et, pour ne pas avoir l’air trop bête à la pompe, de quel côté se trouve l’ouverture ou, si on sait trouver la roue de secours et le cric.
Ne faut-il pas aussi savoir tourner le volant à bon escient, freiner, accélérer dans les virages… conduire tout simplement ?
Et le code de la route ? Les limitations de vitesse, stops et autres priorités à respecter, les conditions pour doubler et la lecture de tous ces panneaux de signalisation plus ou moins hiéroglyphiques ?
Et pendant que nous sommes aux véhicules terrestres à moteur, si vous croisez ou dépassez une moto, un tracteur, une voiture de pompiers ou de flics, une ambulance ou un char d’assaut au comportement bizarre, il est utile de ne pas hésiter trop longtemps avant de trouver au plus vite la réaction qui convient.
Sans oublier les effets de la pollution due aux automobiles.
Et quand vous pestez le matin (ou le soir) dans les embouteillages, vous voyez bien que c’est grâce à (ou à cause) des voitures que nos paysages sont étranglés d’autoroutes, qu’on élargit les rues et que les villes sont devenues gigantesques. Ce qui me fait penser à cet incroyable paradoxe révélé par ce qu’on appelle la constante de Marchetti selon laquelle, depuis le néolithique, nous consacrons le même temps pour aller de chez nous à notre lieu de travail alors même que la distance augmente en raison des progrès des moyens de transport.
En clair, vous n’avez pas besoin d’être versé.e dans la science des moteurs à explosion, pas plus que dans la mécanique de votre voiture. Mais vous avez besoin de, et/ou intérêt à savoir vous en servir dans la vie pratique, et à connaître les enjeux de vos choix en raison des impacts qu’ils ont sur votre vie et celle des autres.
Vous avez compris. J’arrête.
Idem avec l’intelligence artificielle : ce « panbidule »
Pareil avec l’intelligence artificielle et les technologies qui permettent le fonctionnement de votre mobile, votre ordi, le GPS, le site du ministère des finances pour votre déclaration d’impôts ou celui qui vous permet de commander une pizza ou de parler à vos enfants ou petits enfants quand ils sont loin.
Il n’est pas besoin d’en connaître les détails de fonctionnement, mais vous avez tout intérêt à savoir vous en servir au mieux.
Et même ça, plus répandu chez les jeunes que chez les seniors, ne suffit pas vraiment si vous ne voulez pas tomber dans les peurs excessives ou la croyance dans des miracles peu probables,
Le digital (je n'aime pas « numérique), les technologies de l’information et de la communication et l’intelligence artificielle ne sont que des outils. Mais pas n’importe lesquels. Potentiellement accessibles à et modifiables par tous.tes, ils sont les seuls utilisables avec tous les autres, dans tous les domaines (on appelle ça une general purpose technology en anglais, ou technologie à usage général) à la différence des moteurs à explosion d’usage bien plus réduit. Elles permettent à la fois de produire ce dont elles s’alimentent - les données - et comment en tirer parti - les algorithmes. Elles sont aussi les premières à pouvoir développer une certaine dose d’autonomie.
Un outil certes, un appareil, un truc, un bidule, qu’on est tenté - vues ses capacités -de désigner en y joutant « hyper » ou « méta », préfixes sans saveurs.
Essayons autre chose.
Pourquoi pas « pan » alors ? Pas le dieu grec mais, si nous en croyons le dictionnaire de l’Académie Française, « [l’] élément de composition signifiant Tout ». Avec une telle garantie de bon usage nous pouvons bien nous permettre de parler de ce « panbidule » qu’est l’IA, ce « tout technologique ». Un outil donc, mais que nous retrouverons partout.
Concret : la preuve en images que l'IA générative ne comprend pas
Elle est assénée par ce test consistant à demander à ChatGPT une image de pièce vide avec « absolument pas d’éléphant ». La seule présence du mot incite L’IA à en mettre un. Plusieurs essais, que je vous invite à regarder sur ce billet de Gary Marcus cet empêcheur de « biduler » en rond que j’adore citer, montrent que l’outil n’est pas fiable et, plus sérieusement encore, qu’il est indispensable d’envisager « d’autres approches de l’intelligence artificielle ».
Ceci dit, critique de la critique, les images en question font penser au fameux livre de Georges Lakoff Don’t Think of an Elephant (2004) (non traduit en français que je sache) dans lequel il montre qu’une des manipulations préférées des politiciens consiste à pousser leurs publics à penser à quelque chose en jurant qu’ils ne sont pas contre… comme celles et ceux qui disent n’être pas contre les immigrés ou pas contre les écologistes.
Je vous laisse le soin de trouver des analogies pertinentes…
A la semaine prochaine.