ChatGPT sur les pas de l’iPhone? ≈027
ChatGPT essaye de trouver son "moment iPhone" qui lui assurerait une place dans l'histoire, un marché considérable et entraînerait la transformation de nos vies par "l'informatique ambiante".
Trois infos parues ces derniers jours aident à comprendre la pénétration de l’intelligence artificielle dans notre vie quotidienne, surtout si on ajoute un petit retour sur l’extraordinaire aventure de l’iPhone.
ChatGPT peut maintenant fournir des informations « en temps réel, » qu’il s’agisse d’un évènement sportif, d’un tremblement de terre ou des dernières déclarations d’une personnalité qui nous intéresse. Il ne fonctionnait jusqu’à présent que sur des données d’avant le 21 septembre 2021.
Quelques jours plus tôt, OpenAI, l’entreprise qui en avait ouvert l’accès pour tous en novembre 2022, avait annoncé que le ChatBot peut maintenant voir, entendre et parler. Sur l'application mobile et grâce à des voix de synthèse (deux masculines, deux féminines et une enfantine), il peut communiquer oralement avec nous (en anglais seulement, pour le moment) et identifier des objets sur une image.
Ajoutons l’information selon laquelle Sam Altman, patron d’OpenAI, cherche à créer « l’iPhone de l’intelligence artificielle. » Pour y parvenir il n’a rien trouvé de mieux que Sir Jony Ive ancien designer d’Apple connu pour sa contribution au style de l’iPhone, des Macs et de l’Apple Watch.
En clair, la société qui s’est imposée dans l’intelligence artificielle générative met le paquet pour séduire et attirer autant de gens que possible pendant que les autres se soucient de rattraper leur retard qui, pourtant n’est pas toujours technique. En invoquant, de manière symbolique mais pas seulement, les incroyables succès impulsés par Steve Jobs, elle cherche à s’inscrire dans la meilleure lignée de la révolution digitale.
Vers un « moment iPhone » de « l’informatique ambiante »
Plusieurs médias ont évoqué au début de l’année la possibilité de voir surgir un nouveau « moment iPhone, » en insistant sur la dimension économique de cette nouvelle étape. Les investisseurs espéraient qu’elle trouve le succès des smartphones, quelle que soit leur marque, en créant un marché mondial dont plein de compagnies pourraient profiter grâce à une percée innovante et reproductible.
L’intention semble prendre corps avec les nouvelles initiatives d’Altman. Et ça n’est qu’un début dans la mesure où, explique clairement le New York Times, de nombreux dirigeants du secteur « pensent que cette technologie a le pouvoir d'introduire un nouveau paradigme dans l'informatique, qu'ils appellent "informatique ambiante". Plutôt que de taper sur des smartphones et de prendre des photos, ils imaginent un futur appareil sous la forme d'un simple pendentif ou de lunettes capable de traiter le monde en temps réel, à l'aide d'un assistant virtuel sophistiqué capable de répondre à des questions et de traiter des images. »
C’est toute la question de ce que les spécialistes appellent le « form factor, » l’importance de la forme de l’objet, de la qualité du visuel, du style dans tout nouveau produit, pas seulement physique. Il peut jouer un rôle fondamental dans les innovations, ce que Jobs et Ive avaient compris et ce sur quoi ils ont su jouer avec le succès que nous connaissons tous.
La tendance la plus manifeste, même Apple vient de s’y mettre, semble pencher du côté des lunettes de réalité virtuelle, par définition personnelles puisqu’elles nous coupent de l’environnement, de la couche physique dans laquelle nous nous déplaçons et faisons les rencontres les plus humaines. Leur utilité est, par contre, incontestable dans certaines conditions, dont l’apprentissage intensif par exemple.
Une autre forme pourrait venir d’Amazon qui vient d’investir 4 milliards de dollars dans Anthropic une des entreprises les plus prometteuses dans le domaine de l’intelligence artificielle générative. Elle bénéficie déjà d’une longue expérience avec Alexa, un assistant personnel intelligent « capable d'interaction vocale, de lire de la musique, faire des listes de tâches, régler des alarmes, lire des podcasts et des livres audio, et donner la météo, le trafic et d'autres informations en temps réel. Alexa peut également contrôler plusieurs appareils intelligents en faisant office de hub domotique. »
L’appareil pourvoyeur d’information ambiante est un rêve plus vieux encore que l’iPhone. En 1993, j’ai eu l’occasion d’interviewer Walter Bender, un des fondateurs du Media Lab de M.I.T. qui travaillait sur une petite boîte à mettre sur la table, avant de se lancer dans l'initiative One Laptop Per Child. Capable de comprendre notre conversation elle nous assisterait en fournissant des informations pertinentes pour enrichir nos conversations sans que nous ayons à l’interroger.
Claire et complètement bluffante à l’époque, l’idée reste ou redevient d’actualité. Plus besoin d’interroger le web, il alimente la conversation tout seul. A nous de savoir quand le sortir et quand le faire taire. « Contrôle » disent les humains qui ne s’en tirent pas si bien que ça avec leurs smartphones.
La forme n’est pas tout. L’usage, la façon de sen servir est essentielle.
Rappelez-vous comment vous viviez sans smartphone et songez au jour où vos enfants vous demanderont comment vous viviez sans ChatGPT ou celles de ses incarnations qui lui survivront.
Mais ce n’est sans doute pas dans l’intervention autonome de la machine que se joue son intérêt. C’est dans sa capacité de dialoguer, de répondre à nos interrogations.
Différences et humanité s’ apprécieront donc aux questions. Quel joli retour à Socrate.
Un livre : sur les intelligences
Rien ne sert de se passionner pour les intelligences artificielles (quel que soit le nom qu’on leur donne) si nous ne comprenons pas bien la nôtre, et pas seulement puisqu’on en découvre maintenant des traces chez les animaux et même les plantes. Mais commençons par ce qui nous est le plus proche en tentant de suivre en parallèle les neurosciences et le développement des IA.
C’est ce que permet de faire le livre La plus belle histoire de l’intelligence (Éditions Robert Laffont) de Stanislas Dehaene, Yann Le Cun et Jacques Girardon, dans lequel le dernier, journaliste, interroge les deux autres.
Il s'agit d’une série d’entretiens, d’abord avec Dehaene, chercheur en psychologie et en neurosciences cognitives, professeur au Collège de France, puis avec Le Cun, professeur à l’université de New York, fondateur et directeur du Centre de recherche en intelligence artificielle du groupe Meta-Facebook, et enfin, délicieusement, avec les deux.
On y comprend à la fois tout ce qu’il y a de commun dans les deux recherches et ce qui les différencie. Il s’agit dans les deux cas d’approches scientifiques pointues (évoquées ici de façon très simples) d’une question qu’aucune des deux ne résout clairement : qu’est-ce que l'intelligence et, bien sûr, comment fonctionne-t-elle ? Le plus fascinant étant, peut-être, qu’il n’y a pas de réponse définitive. En clair, ce qui semble distinguer l’humain du reste du vivant n’est pas encore bien compris. Quelle fabuleuse aventure que de vivre cette recherche en direct.
Pas trop long, pas trop compliqué, il ouvre un faisceau de perspectives et d’interrogations.