Pour une inversion de l’innovation
Les innovations qui comptent sont autant, voir plus, sociales que technologiques. Mais on parle plus des dernières et jamais autant qu’à l’occasion du Consumers Electronics Show qui se tient chaque année début janvier à Las Vegas. Hélas, la plupart des propositions partent de ce qu’on peut faire en assemblant des composantes techno au lieu de se préoccuper de résoudre des vrais problèmes. C’est bien pour cela que je m’intéresse aux villes : parce que les geeks sont obligés d’y rencontrer les citoyens. Il est temps que ça change…
En quelques mots…
La vague iPhone à bout de souffle
Ne comptez surtout pas sur le CES de Las Vegas (du 8 au 11 janvier) pour vous proposer autre chose que des gadgets ou des développements insignifiants de technologies connues depuis des lustres (un au moins) : 5G, voitures autonomes, maisons connectées, blockchain et intelligence artificielle. Rien de bien nouveau.
C’est dommage pour l’innovation qui a besoin de vent frais. Clara Swisher sonne l’alarme (j’exagère à peine) dans sa chronique du New York Times.
Les motifs sont clairs :
The last big innovation explosion — the proliferation of the smartphone — is clearly ending. There is no question that Apple was the center of that, with its app-centric, photo-forward and feature-laden phone that gave everyone the first platform for what was to create so many products and so much wealth. It was the debut of the iPhone in 2007 that spurred what some in tech call a “Cambrian explosion,” a reference to the era when the first complex animals appeared. There would be no Uber and Lyft without the iPhone (and later the Android version), no Tinder, no Spotify.
L’iPhone est un parfait exemple d’innovation : il est un assemblage d’éléments (pas tous nouveaux) qui a bouleversé un marché (la seule chose qui intéresse Silicon Valley) et nos sociétés. Tout cela en partant, comme l’a clairement dit Steve Jobs, d’un besoin que nous ne savions pas que nous avions ou, n’ayons pas peur des mots, que nous n’avions pas.
Le processus s’essouffle et Cara Swisher appelle à une nouvelle explosion en rappelant que l’innovation est “a dance involving money, opportunity, timing, execution and, most important, one great idea behind it all”. Elle termine donc son article en se demandant d’où viendra la prochaine étincelle qui remettra le feu à la prairie.
Ma réponse : rien de très intéressant ne peut venir du seul cocktail qui a donné lieu à l’étape qui touche à sa fin. L’innovation marche sur la tête et il est temps de la remettre sur ses pieds.
Quel que soit l’ordre dans lesquels on les invoque les éléments de la recette qui marche depuis des décennies ne suffisent plus. À preuve 2018, année catastrophique pour les grandes entreprises de technologie qu’il s’agisse des scandales ayant secoué Facebook, de la révolte d’employés de Google se refusant à développer pour le Pentagone certaines technologies jugées non-éthiques, et de la montée du scepticisme et des inquiétudes des utilisateurs un peu partout dans le monde.
La quête d’innovation part trop souvent de ce qui est propre à la technologie, de ce qu’elle permet de faire et non des problèmes qu’elle peut aider à résoudre, comment et pour qui.
Les TIC sont énergivores, mettons les au régime
Mobiles et fixes, les technologies de l’information et de la communication (TIC) changent nos vies. Mais il n’y a pas que ça qui compte. A mesure que nous y avons plus volontiers recours la préoccupation écologique avance alors que les ravage du réchauffement global font des progrès. La Californie était au premières loges en 2018 avec ses incendies monstrueux. Silicon Valley a eu chaud. Elle devrait pouvoir comprendre. Mais pour cela elle doit inverser la logique sur laquelle elle fonctionne et partir d’un vrai problème présent partout dans le monde en cherchant, pour commencer des solutions nous permettant d’utiliser les TIC à un moindre coût énergétique (miser sur les énergies renouvelables ne suffit pas). Pour le CNRS :
Ordinateurs, data centers, réseaux… engloutissent près de 10 % de la consommation mondiale d’électricité. Et ce chiffre ne cesse d’augmenter [8% par an].
C’est d’une approche de cet ordre qu’il faut partir si nous voulons des innovations utiles et capables d’entraîner le sommet, le bas et le milieu de la pyramide sans détruire la planète dans l’opération. Mais ça ne marchera que si nous en tenons compte dans nos usages aussi.
Qu’en dites-vous ?
En quelques liens…
Tendances au CES de Las Vegas
Le CES présenté par FrenchWeb.
Les tendances Selon 20 minutes (suffisant pour la plupart) : images géantes, voitures autonomes, intelligence artificielle, 5G + un coup d’oeil sur la FrenchTech (sur les difficultés de laquelle vous trouverez plus d’infos sur le site de La Tribune).
5G
On en parle depuis plusieurs années. Elle n’est pas encore vraiment opérationnelle mais c’est la technologie le plus à même de changer beaucoup de choses dans de multiples domaines est la 5G.
Voici ce que vous en dit Wikipedia en français (je suis un chaud partisan de Wikipedia comme point de départ à beaucoup de recherches et vous encourage à soutenir économiquement ce site).
Voici ce qu’en dit le New York Times.
Et voici un tableau de bord des expérimentations en France.
Les exagérations dont il faut se méfier
Ne croyez pas tout ce qu’on vous promet sur les voitures intelligentes ni sur la 5G.
Belle rétrospective de l’évolution des villes en 2018
J’ai apprécié celui qui raconte comment ça se complique avec les banlieues (aux U.S.) et celui sur la montée du scepticisme face aux smart cities.
“Améliorer les villes”, tout simplement !
Enfin quelqu’un - Brent Toderian de Fast Company - qui s’en tient à l’essentiel sans se soucier de qualificatifs. Il se concentre sur la façon de faire et le processus d’apprentissage (learning curve) par lequel toutes les villes doivent passer. Ça commence par faire ce qu’il ne faut pas (construire des autoroutes par exemple). De là on passe à le faire un peu mieux (on garde les voitures mais on les préfère électriques). Les meilleures parviennent à un processus d’innovation continu. Vous dites “processus” ? C’est bien de cela qu’il s’agit.
Rien à voir mais…
Gare aux gays, aux femmes, aux indigènes…
La suppression du mariage pour tous est arrivée en tête des préoccupations des Français si l’on en croit la consultation organisée par le Conseil économique, social et environnemental soucieuse de donner son avis sur la crise des Gilets Jaunes. Nous pouvons nous rassurer en invoquant la faible représentativité de l’opération : il y avait peu de participants et c’est le résultat d’une offensive coordonnée de militants d’extrême droite. Mais quand même : leur manipulation a été couronnée de succès et elle n’est pas la seule dans l’actualité, loin de là.
Sauf que, parmi les premières mesures prises par Bolsonaro, le nouveau président brésilien, on trouve des attaques contre les communautés LGBT (et les indigènes) ainsi que la volonté déclarée d’en finir avec la politique de genre.
Et que, pour compléter ce tableau en pointillé, Vox, le parti d’extrême droite espagnole qui vient de rentrer au parlement andalou, exige de limiter les mesures contre la violence machiste.
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