Dynamique des relations ≈032
Pour naviguer la multiplicité des crises qui caractérise notre époque je vous invite à prendre en compte la dynamique de leurs relations. Ça peut aussi nous aider à comprendre l'évolution de l'IA.
Bonjour et bienvenue sur Myriades,
Je vous propose cette semaine une promenade en trois temps qui nous conduit des multiples crises qui nous accablent, au fait que nous pouvons (et avons tout intérêt à) modifier nos façons de penser, en passant par ce que nous enseigne le fonctionnement de l’IA. Pas besoin d’accrocher votre ceinture, c’est une balade douce avec un « envoi » pour conclure.
Crises multiples
IA, algorithmes et connections
Penser les relations
Crises multiples
Le trop grand nombre de secousses qui ébranlent la planète ces derniers temps sont sources d’angoisses individuelles et collectives. « Personnellement, je ne peux pas vivre sans thérapie. J'ai besoin de cet espace pour réfléchir, pour affronter mes peurs, pour me ressaisir » explique l’historien Adam Tooze qui utilise le terme de « polycrise » pour caractériser notre époque. Il considère aussi que nommer le phénomène a un effet thérapeutique. Suivons le.
« Une polycrise n'est pas seulement une situation où l'on est confronté à des crises multiples. Il s'agit d'une situation telle que […] le tout est encore plus dangereux que la somme des parties, » explique Tooze qui enseigne à l’Université de Columbia. Il en comptait déjà sept en juin 2022 comme le montre le graphique ci-dessous. L’évolution de chacune est pleine d’incertitudes et elles arrivent toutes en même temps alors que certaines se renforcent mutuellement.
A quoi nous devons, cette année, ajouter le Moyen-Orient.
« Ce qui rend les crises de ces 15 dernières années si désorientantes, c'est qu'il ne semble plus plausible de désigner une cause unique et, par voie de conséquence, une solution unique » explique Tooze.
Deux facteurs contribuent à l‘amplification comme à l’accélération des risques : 1) la crise environnementale faite de la consommation des ressources par l’humanité qui affaiblit la résilience des systèmes naturels et entraînent un dangereux déclin de la biodiversité; 2) « la connectivité considérablement accrue entre nos systèmes économiques et sociaux [qui] a fortement augmenté le volume et la vitesse des flux de matières, d'énergie et d'informations sur de longues distances, aggravant des risques tels que l'instabilité du système financier, les pandémies, les inégalités économiques et l'extrémisme idéologique » complètent des chercheurs du Cascade Institute au nom bien choisi.
L’approche est, en fait, une invitation à penser différemment que Tooze explique très simplement : « L'objectif, l'idée du concept est simplement d'ouvrir les fils à travers lesquels vous pouvez commencer à voir les connexions. »
Connexions ? Connexions ? N’est-ce pas un des secrets (de polichinelle) de l’intelligence artificielle ?
Passons à a deuxième étape de notre balade.
Googlez : Tooze polycrisis (ou polycrise) Davos
Intelligence artificielle, algorithmes et relations
Sensée nous imiter pour mieux nous remplacer, l’IA, et notamment l’IA générative qui opère sur la base des réseaux de neurones, fonctionne sur un nombre considérable de données entre lesquelles elle identifie des relations susceptibles de nous échapper. C’est le rôle des algorithmes.
Allons aux sources…
Selon ChatGPT « Les algorithmes sont conçus pour traiter et analyser des données, et l'une de leurs principales fonctions est d'établir des relations ou des régularités (patterns) au sein des données. En fonction de l'algorithme spécifique et de son objectif, ces relations peuvent consister à identifier des similitudes, à regrouper des points de données connexes, à prédire des tendances ou à prendre des décisions sur la base des données d'entrée. » Elles permettent de faire de l’IA un outil capable de prendre en compte des situations évolutives.
A ce point de notre promenade nous avons évoqué l’importance des relations pour comprendre la dynamique des crises et l’utilisation des données. Une question qui a de l’âge.
Googlez, ou ChatGPTez ;-) : algorithmes relations données
ou : les algorithmes établissent-ils des relations entre les données?
Penser les relations
« Loin que ce soit l’être qui illustre la relation, c’est la relation qui illumine l’être » écrivait Gaston Bachelard en 1934.
La vraie difficulté pour qui se penche sur cette question au XXIème siècle (après être passé par l’école) c’est que la méthode cartésienne, qui a fait bouger tant de choses, n’est plus suffisante pour comprendre l’univers et la complexité qui le caractérise. Elle nous a enseigné à concentrer notre attention sur les éléments, aussi petits ou aussi grands soient-ils, au détriment des relations, à séparer pour mieux étudier. A dire « c’est » ou « ça n’est pas » et donc, très vite, sur un fond de culture monothéiste, « c’est bien » OU « c’est mal » en refusant que cela soit toujours les deux, entre autres. Même le temps, n’est pas toujours présent à moins qu’il n’apparaisse sous la forme de l’histoire séparée des autres disciplines.
L’avancée des sciences du vivant nous invite à mieux comprendre ce qui bouge, le rôle des réseaux et de tout ce qui y circule. Or, dans un réseau, chaque élément compte moins que ce qu’il échange avec les autres. Une route apporte des connections et des accidents de voiture, des relations entre villes et villages et - pour les autoroutes - des interruptions d’écosystèmes naturels, etc.
Demandez à Tim Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web, si ce qui compte le plus ce sont les pages qui le composent ou les liens qui permettent de circuler de l’une à l’autre… et demandez-le à Google. Demandez à Meta-Facebook ce qui l’intéresse le plus de vous ou de vos relations. Interrogez-vous en utilisant Wikipedia sur la valeur du grand nombre d’hyperliens que chaque article contient.
Nous vivons dans un monde complexe. Mot qui fait peur. Réalité pleine d’incertitudes. Source d’angoisse.
Complexité vient du latin « complexus » qui signifie « ce qui est tissé ensemble ». Il faut donc « s'astreindre à un travail de tisserand en reliant les points de vue, les disciplines, les niveaux d'analyse » nous explique Ousama Bouiss de l’Université Paris Dauphine dans un travail sur l’œuvre d’Edgar Morin qui précise « J’ai toujours essayé de reconstituer ce tissu commun, parce que mon constat fondamental, c’est que toutes nos connaissances sont compartimentées, séparées les unes des autres, alors qu’elles devraient être liées ».
« Lier »… ou, de manière plus ouverte, comprendre les interactions entre flux de tous ordres.
Quand vous abordez un problème complexe (ils le sont tous sinon ce ne sont pas des problèmes…) essayez de garder en tête ces dimensions : 1) les éléments multiples et divers ; 2) leurs interrelations, sans oublier l’extérieur ; 3) l’information qui, en circulant, permet à l’ensemble de s’adapter ; 4) la dynamique à tous les niveaux qui est propre au vivant au niveau de la cellule, du corps, comme des villes. On la retrouve dans la cuisine, la famille ou l’entreprise.
L’invitation de Steve Jobs « Think out of the box » ne suffit plus. Il n’y a plus ni boîte, ni dedans, ni dehors. Tout circule sans cesse entre les deux et tout est relié dans tous les sens. Reste que nous pouvons toujours appliquer sa méthode : « connect the dots » qui, elle-même mouvement, permet de le mieux comprendre.
Peut-être devrions-nous arrêter d’utiliser le terme empesé et prétentieux de « complexité ». Intéressons-nous plutôt à la « dynamique » qui en résulte du fait des myriades de relations qui sont la vie de notre réel.
Googlez : complexité réseaux dynamique, etc.
Envoi
L’attention à la dynamique de la vie est aussi vieille, pour nous occidentaux, que la philosophie grecque (Héraclite).
Le mouvement est prolongé par certains des penseurs récents les plus passionnants : Gilles Deleuze, Edgar Morin, Hartmut Rosa, parmi beaucoup d’autres.
L’importance des réseaux dans les sciences du vivant, confirme la valeur de cette régularité comme le montrent Fritjof Capra, Laszlo Barabasi ou Geoffrey West. La première qualité des systèmes complexes n’est-elle pas d’être « adaptatifs », d’évoluer ?
Je me demande si ces approches dynamiques peuvent nous aider à mieux comprendre l’évolution de notre planète, y compris le rôle qu’y joue l’intelligence artificielle que nous avons besoin de maîtriser en même temps que nous la développons.
Googlez ad libitum…