IA, politique et mythes grecs ≈014
Nous inventons les outils. Ils nous transforment. Il en va ainsi depuis le galet biface qui, modifiant l’alimentation de ses inventeurs, a ouvert la voie à Homo Sapiens. Il y a 3 millions d’années. Pareil avec l’IA, sauf qu’il faut décider qui commande.
C’est nouveau, considérable. On est tenté de se réfugier dans les mythes. Anciens et de préférence grecs, pour faire sérieux. Mais attention, pas question quand on est à Silicon Valley, de se laisser plomber par celui de Prométhée, puni pour avoir donné le feu divin aux humains. Une erreur contre laquelle il était temps de s’ériger, ce que propose un essai majeur dont je ne crois pas qu’il ait été déjà traduit en français.
« Pourquoi l’IA sauvera le monde »
Les gens ont peur, dit Marc Andreessen. « Heureusement, je suis ici pour apporter la bonne nouvelle : L'IA ne détruira pas le monde et pourrait même le sauver. »
Mais, qui est ce type ?
Après avoir conçu et réalisé le premier navigateur web décent (Mosaic suivi de Netscape), il a écrit (en 2011) un article prophétique sous le titre Pourquoi le software est en train de manger le monde. Aujourd’hui patron du plus gros fond de capital risque des États-Unis (36 milliards de dollars d’actifs) il apparaît comme le maître à financer - et donc à penser - de la Big Tech et de ses libertariens et nous explique Pourquoi l’IA sauvera le monde.
Premier point marquant de son argumentation : l’IA ne tuera pas l’humanité pour la simple raison qu’elle n’est faite que de mathématiques et de codes. « L'IA ne veut pas, elle n'a pas d'objectifs, elle ne veut pas vous tuer, parce qu'elle n'est pas vivante. L’IA est une machine - elle ne s'animera pas plus que votre grille-pain ne le fera. »
Elle ne met pas en danger la démocratie puisqu’elle peut servir à détecter les abus. Pas de risque pour les emplois non plus puisque « aucune technologie n’a eu cet effet. »
Et ne venez pas dire que l’IA crée des inégalités. Leur accroissement est dû « au contraire, aux secteurs de l'économie les plus résistants aux nouvelles technologies et dans lesquels les pouvoirs publics interviennent le plus pour en empêcher l'adoption comme on peut le voir, en particulier, dans le logement, l'éducation et les soins de santé. »
L’intelligence artificielle peut, au contraire, nous aider à mieux faire tout ce que nous faisons en mettant un assistant derrière tout enfant, toute personne active, tout scientifique, tout patron et tout dirigeant politique.
Une obligation morale
Mais, parlons-nous encore et vraiment de technologie ?
Pas du tout dit Evgeny Morozov, grand spécialiste des mauvais usages que nous avons tendance à en faire. Si tel était le cas, le manifeste Andreessen tomberait dans la catégorie de ce qu’il a baptisé « solutionnisme » : « la présentation de tous les problèmes sociaux complexes » comme ayant « une solution technologique propre et agréable », comme ayant « an app for that ».
Il s’agit en fait d’un texte politique qui pose clairement la question du pouvoir quand il affirme « Il est fort probable que l'IA devienne la couche de contrôle de tout ce qui existe dans le monde. » Même quand il l’habille de beaux sentiments comme « Le développement et la prolifération de l'IA - loin d'être un risque que nous devrions craindre - est une obligation morale que nous avons envers nous-mêmes, nos enfants et notre avenir. »
Morozov y voit une manifestation du « néo libéralisme digital ». Le manifeste affirme que l’IA est « la propriété de personnes et contrôlée par des personnes, comme toute autre technologie ». Il s’agit plutôt, selon son critique, d’une « vision du monde qui envisage les problèmes sociaux à la lumière des solutions technologiques à but lucratif. En conséquence, les préoccupations qui relèvent du domaine public sont conçues comme autant d'opportunités entrepreneuriales sur le marché. »
Quel que soit le cocktail de ses motivations, Andreessen se donne clairement pour mission de nous libérer de l’échec prométhéen en nous confiant à l’intelligence artificielle. Ill évoque ainsi, sans le dire, un autre mythe grec : celui du corps d’homme à tête de taureau.
Il n’est pas le seul.
« Le minotaure est une meilleure figure [que le centaure] pour penser au futur de la participation humaine dans la poursuite de la guerre » estime un document du Collège de guerre de l’Army des États-Unis pour lequel il est indispensable de confier à l’IA la réalisation des tâches cognitives les plus utiles en éloignant les humains des postes de décision. Une obligation elle aussi présentée comme morale : « En effet, il y aura souvent un impératif éthique à placer des êtres humains sous le contrôle, la supervision ou le commandement de machines. Alors que le rythme des opérations militaires s'accélère en raison de l'introduction de nouvelles technologies, le fait de confier certaines fonctions de commandement du champ de bataille à l'IA contribuera à prévenir les tirs amis et à améliorer la capacité de survie des combattants humains. »
Centaures ou cornacs
Prométhée mercantile successful et messianique, ou Minotaure armé ? Quelle terrible alternative… si nous n’avions qu’elle.
Heureusement, tout en nous limitant aux mythes grecs - qui sont loin d’être les seuls - nous pouvons aussi compter sur celui du Centaure utilisé par Gary Kasparov, ancien champion du monde des échecs après sa défaite, en 1997, devant Deep Blue la plus puissante IA du moment.
Sa conclusion, maintes fois reprise, est que les humains et leurs imagination formant équipe avec l’intelligence artificielle et ses capacité de traitement des données gagneraient sans mal des adversaires qui ne seraient qu’humains ou que machines. A condition, comme l’image l’indique, que la tête et le torse humain montre le chemin à la puissance du corps de cheval.
Mais ces images hybrides peuvent faire peur. Qui veut devenir cyborg, fût-il grec ?
Les métaphores ont des dimensions idéologiques et impliquent des batailles politiques. Il faut donc répondre à celles qui nous menacent par d’autres, plus humaines si possible.
J’aime bien, pour ma part, une image venue d’Inde ou d’Asie du sud-est, dont je découvre avec délice qu’elle a été chantée par Victor Hugo : celle de la relation entre un gamin et un éléphant dont personne n’ignore les colères, même quand …
Le cornac, nain pensif, conseille à demi-mot
Le colosse, et le monstre écoute et ne se trompe
Sur rien, ni sur le gué qu'il sonde avec sa trompe,
Ni sur la route à suivre, et jamais l'éléphant
N'a peur, pourvu qu'il soit conduit par un enfant.
Concret > Vacances : There is a prompt for that!
Loin d’être parfait, Chat GPT peut-être utile pour la préparation de vos vacances. Le secret tient à la façon de lui poser des questions. Voici quelques pistes :
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Et pour celles et ceux à qui l’IA paraît encore irréelle ou insuffisante, c’est toujours une bonne idée de lire un roman.
En fonction de votre destination : Vietnam, en Tanzanie, en Bulgarie ou au Pérou.
Ou, quel que soit votre itinéraire, de voir un film sur un de ces road trips de légende.
Bon voyage…