Il m’est bien difficile, en ces temps agités, de suivre seulement ce qui se passe dans le domaine de l’intelligence artificielle.
La conviction qui m’a poussé à lancer Myriades, que vous êtes de plus en plus nombreux à lire, n’a fait que se renforcer au cours de ces derniers mois.
Mais, malgré leur capacité à « tout » changer, comme je le disais dans le premier numéro, il n’y a pas que les technologies à l’heure de l’IA (Tech@IA) dans nos vies.
L’IA est une dimension essentielle du monde d’aujourd’hui, même si personne n’en parle dans le cadre électoral, pas plus que de l’environnement ou des vrais enjeux de la recomposition géopolitique planétaire, les deux autres inévitables transitions auxquelles nous devons faire face, que nous devons aborder le plus intelligemment possible.
Ces bouleversements viennent de tant d’azimuts, dans tellement de domaines qu’ils donnent l’impression d’un monde qui fout le camp alors que, clairement, il mute. Pas pareil.
Il est illusoire de s’y opposer, difficile de cornaquer toutes les transitions que cela implique. Mais on peut tenter de les comprendre en les situant dans leurs interactions, en multipliant les passages de l’une à l’autre et, dans chacune du particulier au général, du local au planétaire.
Cet horizon temporel n’est ni de quelques jours ni de quelques semaines ou mois et risque fort de s’assombrir dans les 10 prochaines années, pour le moins.
Il me semble donc indispensable de situer les technologies dans un cadre plus général, de suivre ces « polytransitions », d’en rendre compte, de s’exprimer sur les choix cardinaux auxquels elles nous contraignent, de chercher comment les mieux penser.
Voilà pourquoi j’ai décidé d’ajouter à la Myriades que vous connaissez une nouvelle rubrique.
Les sujets traitant plus strictement des technologies à l’heure de l’intelligence artificielle « Tech&IA » alterneront avec des regards « Obliques » sur d’autres thèmes souvent plus planétaires, plus ouverts. Cela ne change rien au système d’abonnement de celles et ceux qui ont la gentillesse de m’aider dans ce travail avec une contribution volontaire.
Voici donc une première d’Obliques…
Villes et diplômes
Commençons par les élections législatives.
Les grandes villes, à commencer par Paris, sont plutôt rouges. Le reste du pays est plutôt brun si on accepte les codes couleurs en vogue. Le RN surfe sur les campagnes et la ruralité. Le NFP prospère sur le béton et la densité. Un peu trop simple pour être vrai, mais nous pouvons partir de là.
Côté histoire, Paris a toujours été le coeur ouvert, avancé, promoteur de changement du pays. Nous l'avons vu à chacun des grands bouleversements de notre histoire : 1789, 1848, 1870 etc. N'oublions pas que le bleu et le rouge, couleurs de la capitale, figurent dans le drapeau national pour entourer et contrôler le blanc monarchique qui comptait, pendant la révolution, sur les campagnes pour reprendre le pouvoir.
Côté géographie, dans le monde entier les conservateurs s'appuient aujourd’hui sur les campagnes pour réduire le poids des villes. Ça se voit aux États-Unis comme en Iran, dans les découpages électoraux, quand ça n'est pas dans les constitutions.
Il s’agit, bien sûr, d’une généralisation, donc abusive, qui ne tient pas assez compte des diversités territoriales. On trouve des anti-RN dans les campagnes comme des anti-NFP dans les villes.
Mais les études sur lesquelles se base cette constatation précisent que ces contrepoints ont très souvent à voir avec le niveau de diplômes.
Y aurait-il du commun entre villes et diplômes ?
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Les différences entre urbain et rural s’approfondissent chaque jour, chaque minute, chaque fois qu’une personne choisit de gagner une ville dans l’espoir d’y trouver du boulot, de faire des études ou de se soigner. L'urbanisation croissante se vote avec les pieds de centaines de millions d’humains. Elle tient largement à la logique des villes dans lesquelles les interactions sont plus intenses et l'ouverture sur l'extérieur plus grande. Aux croisements de routes maritimes et terrestres, les grands ports, par exemple, sont plus connectés que bien des capitales, Saint Petersbourg plus que Moscou, Mumbai plus que Dehli, Shanghai plus que Beijing, Rotterdam plus qu’Amsterdam… etc.
La question clé est celle de l'ouverture, des connexions, des relations, des échanges et des dialogues dans autant de directions que possible.
De façon différente, la possibilité de faire des études (un privilège) amène à regarder par delà son clocher, à se souvenir de celles et ceux qu’on a rencontré à l’université, des cours suivis, des discussions passionnées qu’on a eu… en ville puisque c’est là qu’on obtient les diplômes.
J’aime mon métro, métèque et métis
L’enfermement étouffe et tue. Alors qu’ouverture et porosité sont au coeur de la logique du vivant. S’y opposer c’est nous proposer la crève, à plus ou moins long terme. Ou le mensonge, dès la semaine prochaine.
Mais ce sont moins les partis politiques qui m’intéressent ici, qu’un certain état d’esprit dans lequel nous nous laissons enfermer sans toujours nous en rendre compte.
Mettre des drapeaux nationaux sur les produits qui vont de la « Tête d’anchois » au « Cola auvergnat » (cherchez des images de « produits français » sur votre moteur de recherche) c’est souvent mentir (quand on se penche sur les ingrédients), et ça nous habitue à exclure.
Refuser les immigrants c’est ignorer que la France est le produit des diversités européennes qui s’y retrouvent depuis des siècles, enrichies par d’autres venues d’ailleurs. Vivant à Paris, j’aime mon métro, métèque et métis. Il me fait envisager des lendemains plus riches pour tous.
Refuser le « bi », qu’il soit national ou sexuel, c’est s’enfermer dans une unicité qui ne correspond nullement à nos réalités multiples entre lesquelles nous ne cessons de jouer à la marelle. Ainsi passons-nous sans cesse, et sans nous en rendre compte, de la case « genrée » à la case « racisée », de notre goût pour le bon fromage à notre passion de sushi, de nos racines poitevines (ou autres) à nos envies de Marrakech, de Tel Aviv ou de Kyoto, de Victor Hugo à Lao Tseu sans oublier Chimamanda Ngozi Adichie…
Mais comment s’ouvrir ? En sortant de son, voire de ses silos, nous conseille Edgard Morin, en abordant le différent avec empathie, en jouant sur ces liens qui sont le tissu de notre réalité complexe parce que vivante, en misant, selon son terme, sur la « reliance ». J’y reviendrai.
Ça vous parle ?