Tocsin ! ≈075
Arrêtons de séparer les problèmes, de nous inquiéter en silos. Il est urgent de prendre en compte la militarisation des États-Unis et l’impact sur le monde de leur dé-démocratisation.
Bonjour,
« Tocsin ! » dit le titre.
« Il y va fort » pensez-vous.
J’aimerais tant que vous ayez raison.
Dans nos villages d’antan, cette sonnerie venait d’une cloche réservée à l’annonce des catastrophes. C’est exactement de cela qu’il s’agit. Au niveau des US, de l’Europe, de la France et pas seulement.
Nous vivons un moment bizarre fait de dynamiques inquiétantes et d’absence de certitudes.
Isoler chaque problème permet de s’inquiéter en silos : Trump et sa Cour suprême sont en train de changer le jeu politique aux US; les militaires interviennent dans les villes; le prochain premier ministre tchèque sera Trumpien, droite et extrême droite françaises veulent s’imposer vite, etc.
Mais nous ignorons jusqu’où l’actuel président US ira pour ne pas perdre les élections de mi-mandat, à quel point le prochain dirigeant de Prague se rapprochera de Poutine sous le regard attendri de Washington, ce que fera le RN s’il gagne les élections qu’il demande.
Pas de certitude donc, mais peut-être une logique que nous n’avons pas envie de voir par peur de réaliser que ça pourrait barder bientôt et pour longtemps.
La semaine dernière, j’ai demandé à Pete Hegseth, ministre de la guerre de Trump, si la concentration de l’US Navy en face du Vénézuéla pouvait conduire à une intervention terrestre. Pas de réponse bien sûr mais, le jour suivant, le New York Times publiait un article disant que certains des plus proches et des plus influents collaborateurs de Trump y travaillent sérieusement.
Les faits
Commençons par quelques faits documentés.
L’équipe Trump qualifie les narcos vénézuéliens de « narco-terroristes », ce qui en fait une menace pour la sécurité des US. Intérieure autant qu’extérieure vue l’importance de la consommation de drogue et de ses réseaux de distribution sur le territoire national.
Les 800 amiraux et généraux convoqués à Quantico, près de Washington, ont reçu la consigne de prendre les villes américaines comme « terrain d’entraînement » et d’y faire preuve d’un « esprit guerrier ».
Commentaire - Sans justification claire d’ordre militaire cette réunion a été interprétée comme une façon d’accélérer le limogeage d’un bon nombre d’étoilés, un pas dans la politisation des Forces Armées et peut-être même comme une façon de réunir plus discrètement une poignée d’entre eux disposés à participer à l’étape suivante.
L’équipe Trump accélère le déploiement d’éléments militarisés dans plusieurs grandes villes US. Les ressources sont considérables.
Le plan ne s’arrête pas là : Le Projet 2025
Comme elle le fait depuis le premier jour, l’équipe au pouvoir nous soule sous tant de décisions et de discours que sa logique est difficile à percevoir. Elle existe pourtant sous la forme d’un plan très connu et que la plupart d’entre nous - je m’inclus dans le lot - ont eu tort de ne pas lire, celui de la très conservatrice Heritage Foundation baptisé Project 2025 (en français). Elle compte de deux façons : par ce qu’elle se propose de réaliser et par les positions occupées par certains de ceux qui ont contribué à sa rédaction.
Les 5 points principaux
Réforme radicale de l’État fédéral pour limiter ses capacités d’intervention.
Politique migratoire ultra-restrictive avec militarisation de la frontière sud.
Agenda sociétal conservateur avec lutte contre la diversité et le droit à l’avortement, entre autres.
Dérégulation environnementale.
Renforcement du pouvoir présidentiel avec recours à l’armée en cas de troubles intérieurs.
Les principaux collaborateurs
Ils se comptent par dizaines. Je n’en retiens que 2
Russell Vought : Auteur principal du Projet 2025, il est Directeur du Bureau de la gestion et du budget, responsable de la mise en œuvre des réformes administratives.
Stephen Miller : chef de cabinet adjoint de la Maison Blanche et conseiller pour la sécurité intérieure. Il fait partie de ceux qui poussent à un renversement de Maduro au Vénézuéla.
Implacable logique de la prochaine étape
Président de la Heritage Foundation, Kevin Roberts déclarait dès juin 2024 qu’il s’agissait d’un « projet de gouvernement, pas seulement pour janvier prochain mais pour un avenir lointain ».
Tout est en place… sauf que la popularité de Trump est au plus bas. Ses chances de remporter les élections de mi-mandat en novembre 2026 semblent faibles…
A moins que l’état d’urgence justifié par la lutte contre les « narco-terroristes » à l’intérieur comme à l’extérieur ne « contraigne » à les repousser…
Rien ne permet d’envisager que l’actuelle Cour Suprême s’y oppose sérieusement. Ni d’assurer qu’il en ira ainsi.
Mais la logique des faits nous amène à envisager l’inimaginable : l’éventuel renoncement à la démocratie de la première puissance militaire mondiale disposant du soft power le plus sophistiqué et des technologies d’information et de communication les plus avancées.
Tocsin « global » ?
Pas global, dans la mesure ou bien des pays et bien des forces politiques trouvent de quoi se réjouir de cette involution du modèle américain.
Mais, pour nous européens, l’alarme doit être prise au sérieux. D’abord parce que l’administration Trump, notamment le vice-président J.D. Vance, nous a déclaré la guerre idéologique sur les bases de la Heritage Foundation dont il est proche.
Mais surtout parce que droites et extrêmes droites du continent se frottent les mains et accélèrent leurs pressions. Outre le tchèque mentionné au début, en France, le jeu des Républicains de plus en plus à droite, et une éventuelle victoire du RN aux prochaines élections fournirait au grand plan de reprise de l’occident des idéologues trumpiens des supplétifs de choix.
N’oublions pas pour terminer que le tocsin ne se contente pas d’annoncer une catastrophe. Il vise aussi à rassembler la population pour réagir à la menace et, parfois même pour appeler à la révolte.
Tocsin donc. Il sonne pour nous aussi.
Qu’en pensez-vous maintenant ?…




Entièrement d'accord. Je sonne le même "tocsin" dans mes écrits ici, mais je trouve nos compatriots lents à se réveiller. Merci pour ce texte.
Parmi les anagrammes, « citons » tout d’abord et « tonics » ensuite…
Puisque c’est un pluriel, il y a certes les cocktails 🍹 à base de gin dont il ne faut pas abuser même dans cette torpeur…certains de nos politiques semblent à cet égard fort affectés…
Avec souplesse d’esprit 🧘🏽 , c’est aussi le féminin qui vient à l’esprit, la « toxine ». De quoi s’interroger sur le mal qui touche l’humanité en notre époque...
Revenir à l’ Epoch, faire marche arrière en partant du jugement pour revenir aux faits, c’est ce que nous enseigne Husserl.
Et pour rester positif, tout remède, ou pharmakon, pris à l’excès s’avère vénéneux. La solution est peut-être devant nos yeux 👀
Dès lors, faut-il réduire son exposition et si oui, à quoi ? Mais même si cette solution peut-être individuelle, ce n’est qu’une rustine.
« Citons » donc les trois questions fondamentales de Kant, qui me semblent d’actualité.
Que puis-je savoir ?
Que dois-je faire ?
Que m’est-il permis d’espérer?