A lire et à offrir, pas que sur l’IA ≈038
Ces 9 suggestions traitent de différentes formes d’intelligence - artificielle, humaine, animale, végétale - et des bouleversements planétaires depuis 250 ans, ainsi que du pouvoir de la fiction.
Bonjour,
Voici de quoi vous occuper pendant les vacances si vous avez la chance d’en prendre. J’y consacrerai, en partie, les miennes et vous retrouverai la semaine du 8 janvier. Profitez bien des vôtres.
Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme - Daniel Andler - Gallimard
« Le titre de ce livre, Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme, est une façon — un peu énigmatique peut-être — d’annoncer plusieurs thèses : que l’intelligence artificielle constitue une énigme, que l’intelligence humaine en est une autre, que ces deux énigmes sont étroitement liées, et enfin qu’elles ne sont pas des mystères — de fait, je prétends les résoudre. »
La plus belle histoire de l’intelligence (Éditions Robert Laffont).
Une série d’entretiens, d’abord avec Dehaene, chercheur en psychologie et en neurosciences cognitives, professeur au Collège de France, puis avec Le Cun, fondateur et directeur du Centre de recherche en intelligence artificielle du groupe Meta-Facebook, et enfin, délicieusement, avec les deux. Deux approches scientifiques pointues (évoquées ici de façon très simples) d’une question qu’aucune des deux ne résout clairement : qu’est-ce que l'intelligence et, bien sûr, comment fonctionne-t-elle ? Le plus fascinant étant, peut-être, qu’il n’y a pas de réponse définitive. En clair, ce qui semble distinguer l’humain du reste du vivant n’est pas encore bien compris.
Toutes les intelligences du monde: Animaux, plantes, machines - James Bridle - Seuil
« Que signifierait la construction d'intelligences artificielles et d'autres machines qui ressembleraient davantage à des pieuvres, à des champignons ou à des forêts ? Qu'est-ce que cela signifierait pour nous de vivre parmi eux ? Et comment cela nous rapprocherait-il du monde naturel, de la terre que notre technologie a fragmentée et dont elle nous a séparés ? »
Quand la machine apprend, La révolution des neurones artificiels et de l'apprentissage profond - Yann Le Cun - Odile Jacob
« L’expansion prodigieuse qu’elle connaît ces dernières années est liée à l’apprentissage profond qui permet d’entraîner une machine à accomplir une tâche au lieu de la programmer explicitement. Ce deep learning caractérise un réseau de neurones artificiels, dont l’architecture et le fonctionnement sont inspirés de ceux du cerveau. »
IA 2042 : Dix scénarios pour notre futur, ce que l'intelligence artificielle va changer - Kai Fu Lee et Chen Qiufan - Les Arènes
Texte écrit par deux Chinois très américains dont la première caractéristique séduisante est de mélanger explications et fictions, d’imaginer ce que sera notre vie avec IA dans une vingtaine d’années et de nous dire pourquoi et comment de façon compréhensible. Stimulante démarche qui fait appel à nos doutes, joue sur plusieurs niveaux de nos façons d’être, de sentir et de penser.
Voir Myriades Imaginer nos futurs avant de les créer ≈022
La déferlante, Technologie, pouvoir et le dilemme majeur du XXIe siècle - Mustafa Suleyman, Michael Bhaskar - Fayard
Un des acteurs les plus importants de l’intelligence artificielle, Suleyman, explique de quoi est faite la vague de bouleversements qui s'annoncent en établissant des liens entre différents domaines que nous avons l’habitude d'ignorer ou d’isoler : l’intelligence artificielle, la biologie synthétique, la robotique et quelques autres. C'est là que tout bascule du fait de trois propriétés de ces technologies extraordinairement puissantes :
1. Comme l’électricité, par exemple elles sont utilisables dans plein de domaines (general purpose technologies, en anglais);
2. Outils comme toutes les autres, elles sont porteuses d’autonomie potentielle et peuvent agir seules, à notre place;
3. Y accéder coûtant de moins en moins cher, leur prolifération est inéluctable.
Il n’y a ni mot, ni solution miracle et Suleyman le dit clairement. Il propose, ce qui est plus difficile à vendre, une méthode, voir une attitude qui vaut peut-être aussi pour faire face au réchauffement de la planète.
Voir Myriades La déferlante, ce livre qui me fait changer d’attitude ≈035
Voir Myriades Oui ! Pas n’importe comment ≈036
A propos du monde qui bouge
La culture digitale, y compris l’intelligence artificielle, me semblent essentielles pour naviguer notre monde. Mais il faut s’ouvrir sans cesse, connecter, regarder plus haut que son mât de misaine.
Toujours sensible à comment « les autres » - avec qui nous partageons, y compris des différences - l’envisagent, j’ai lu deux livres qui aident à comprendre - surtout quand on les lit en parallèle - la montée de ce qu’on appelle « le sud global » et son évolution. Ils remontent, pour le premier, à la révolution française et, pour le second, à la victoire des Japonais contre les Russes en 1905.
L’âge de la colère, une histoire du présent - Pankaj Mishra - Zulma
Nourri d’une impressionnante connaissance des textes européens des XVIIIème et XIXème siècles, L’âge de la colère montre comment le ressentiment contre le mépris affiché par Paris (et pas que sous la forme conquérante napoléonienne), et le mimétisme de ceux qui voulaient se moderniser à cette image, s’est ensuite reproduit avec les périodes coloniales à peu près partout dans le monde. Un passé indispensable pour comprendre les colères d’aujourd’hui.
Le Labyrinthe des égarés, l’occident et ses adversaires - Amin Maalouf - Grasset
Premier pays non blanc à avoir militairement écrasé des Européens, le Japon a inspiré plein de mouvements et de leaders décidés à engager des processus de modernisation. Mais il est devenu un empire tout aussi insupportable que les autres. L’URSS a remplacé la race par la classe pour changer le système avant de sombrer dans un travers comparable. Quant à la Chine…? Peut-être faut-il attendre encore un peu pour y voir clair. Maalouf aide à réfléchir.
Et quel roman !
La cité de la victoire, Salman Rushdie - Actes Sud
« Tout le monde est issu d'une graine, lui dit-elle. Les hommes plantent des graines dans les femmes et ainsi de suite. Mais c'était différent. Une ville entière, des gens de toutes sortes et de tous âges, sortant de terre le même jour, de telles fleurs n'ont pas d'âme, elles ne savent pas qui elles sont, parce que la vérité, c'est qu'elles ne sont rien. Mais cette vérité est inacceptable. Il fallait, disait-elle, faire quelque chose pour guérir la multitude de son irréalité. Sa solution, était la fiction. »
Le dernier roman (en date) de Salman Rushdie. Une pure merveille d’un conteur hors pair qui reprend, à sa façon, l’histoire d’une épopée du sud de l’Inde.
En 1982, Gabriel García Marquez avait consacré son discours d’acceptation du prix Nobel de littérature aux malheurs et à la « solitude de l’Amérique Latine ». Quelques années plus tôt, dans les mêmes circonstances, William Faulkner avait « refusé d’admettre la fin de l’humanité » après le recours à l’arme atomique. Preuve des différences que nous partageons, la Cité de la victoire introduit dans ce réseau de textes un peu de sagesse asiatique, le poids d’une vie trop longue et l’amère sagesse poétique des cycles qui se terminent… comme nous sommes mieux placés pour la comprendre aujourd’hui.
Bonne fin d’année. Nous nous retrouvons début janvier.