L’armée de Dieu de Trump ≈063
A tout ce que vous avez lu sur la direction prise par Trump au début de son second mandat il faut ajouter qu’il dispose d’une armée de croisés fanatiques et violents;
Impérial ! Autoritaire ! Dangereux ! Prometteur ! Historique ! J’en passe et des pires…
Malgré l’hyper couverture médiatique et le tintamarre des sonneries d’alarmes tirées de toute part, ce qui nous lisons, voyons, entendons et qui nous inquiète concernant Trump2 reste en dessous de la réalité.
La crainte sur laquelle j’attire votre attention aujourd’hui est, qu’en plus, il ouvre les portes à l’éclosion d’une religion fondamentaliste, en gestation depuis plus de 30 ans, et à son armée de croisés.
Connue sous le nom de Nouvelle Réformation Apostolique (NAR en anglais) elle représente une profonde transformation du christianisme américain et son adoption de positions de plus en plus radicales. Le mouvement qui attire des dizaines de millions de personnes de différentes confessions est celui qui croît le plus vite. Plus de 40% des chrétiens (y compris des catholiques) se retrouvent dans ses valeurs.
En « guerre » (le terme n’est pas de moi) depuis des années ces gens voient dans le « nouveau » président l’envoyé chargé d’accélérer le retour du royaume de dieu. Ils ont activement participé au soulèvement du 6 janvier 2020. Trump, Musk et le vice-président Vance y puisent tout le soutien qu’ils peuvent.
L’armée de dieu sort de l’ombre
L’article le plus complet sur la NAR (il n’y en a pas beaucoup) a été publié par The Atlantic sous le titre : The Army of God Comes out of the Shadows (L’armée de Dieu sort de l’ombre). Il est écrit par Stephanie McCrummen, prix Pulitzer (le plus prestigieux) pour ses travaux passés. Comme il est en anglais, et que l’accès est payant, je me permets de vous en signaler les points les plus importants.
Il commence par le récit d’une soirée de prières dans une étable en Pennsylvanie deux jours après la victoire électorale de Trump2. Une sorte de « war room » dans laquelle « Au moins une personne, et parfois des dizaines, avaient prié chaque minute de chaque jour pendant plus de 15 ans pour la victoire qui semblait maintenant à portée de main. Dieu était en train de gagner. Le Royaume arrivait. »
Radicale plus encore que conservatrice, la NAR se donne depuis 1996 pour mission de « construire le Royaume » ce qui veut dire, en termes clairs : « détruire l'État laïque avec des droits égaux pour tous, et le remplacer par un système dans lequel le christianisme est souverain. En pratique, le mouvement a mis toute la force de Dieu du côté de l’économie capitaliste de marché. »
Issu de cette mouvance et soutenu par J. D. Vance, un livre intitulé Unhumans (Non-humains), décrit les opposants politiques comme des « non-humains » qui veulent « détruire la civilisation elle-même ». Le livre affirme que ces « non-humains » doivent être « écrasés ». « Notre étude de l'histoire nous a amenés à cette conclusion : La démocratie n'a jamais réussi à protéger les innocents contre les non-humains », écrivent les auteurs. « Il est temps d'arrêter de jouer selon des règles qu'ils refusent. »
Certains chercheurs attentifs à l’évolution de ce mouvement y voient « le mouvement religieux le plus significatif du XXIème siècle », celui qui « fournit les fantassins pour démanteler l’état séculier ».
Dans un livre intitulé The Violent Take it by Force, Matthew D. Taylor, chercheur à l’Institut d’études islamiques, chrétiennes et juives précise que les leaders de la NAR ont été les « principaux architectes théologiques » de l’insurrection du 6 janvier 2021 dont les acteurs viennent d’être graciés et que leur « [Leur] ordre du jour [agenda en anglais] c’est maintenant Trump ».
Pourquoi c’est vraiment inquiétant
Nous aurions tort de sous-estimer le phénomène, comme le font trop de médias (à commencer par le New York Times), que cette dimension semble gêner.
Trump, qui se dit (il finira bien par le croire, si ce n’est déjà le cas) « miraculé » depuis l’attentat manqué auquel il a échappé, a toujours bénéficié du soutien des mouvements religieux les plus conservateurs. Cette fois, ça va plus loin.
Plus grave, parce que plus diffus et donc plus difficile à saisir, il doit une grande partie de son succès politique à la solitude des plus défavorisés, des hommes jeunes, d’un peu tout le monde. Or on n’a rien trouvé de mieux jusqu’à présent que les religions pour donner un sens de communauté.
Face aux difficultés que la nouvelle administration risque de rencontrer au moment de passer des promesses aux actes, recourir à une foi plus organisée et d’autant plus efficace qu’elle repose sur une structure non hiérarchisée en réseaux, risque d’être particulièrement tentante. Nous en avons vu un exemple lors de ce meeting perturbé où plutôt que de parler de son programme celui qui n’était alors que candidat s’est , tel un preacher, à bercer la foule au son, entre autre, d’Ave Maria.
Une telle évolution peut parfaitement convenir aux géants de la tech algorithmique qui privilégie l’émotion, donc la montée aux extrêmes et s’accorde à merveille avec la fragmentation et les cassures du monde. Ces géants qui le soutiennent à fond et viennent de manifester leur allégeance.
Un 21ème siècle fondamentaliste ?
Revenons, pour conclure, à la fameuse phrase attribuée à Malraux selon laquelle il aurait dit « Le 21ème sera religieux ou ne sera pas ». Une phrase qu’il a, lui-même maintes fois contesté préférant le terme « spirituel » voir « mystique » (nous y sommes).
Le vrai sujet semble être la forme que prennent les différentes fois.
Le nombre de croyants tend à se réduire. C’est inégal, bien sûr, mais c’est globalement vrai, notamment aux États-Unis. En 1991, 6% des Américains se déclaraient non-religieux. Ils sont 30% aujourd’hui. Mais ceux qui restent sont de plus en plus intolérants, extrémistes, violents…
Le monde est divisé, selon eux, en bons (qui partagent la même croyance) et en méchants (tous les autres). Les premiers s’arrogent vite le droit de tuer les seconds. C’est d’autant plus grave qu’ils se mêlent de plus en plus de politique, souvent manipulés par ceux dont c’est le métier. Guerres de religions et conflits politiques s’entremêlent.
On le voit dans le monde musulman mais pas que, et loin de là. Les forces soutenant le gouvernement de Netanyahou (qui a participé à un évènement de la NAR) en Israël et celui de Modi en Inde jouent cette carte.
Plus choquant encore au vu de la perception dominante que nous avons d’eux, même des bouddhistes se sont engagés sur cette voix (dans le massacre des musulmans au Myanmar).
Je crains que le 21ème siècle ne soit intolérant et violent. La technologie y contribue. La fragmentation (ou les cassures) du monde aussi. Ainsi que la méta-mutation dans laquelle nous sommes engagés sans savoir vers quoi elle nous entraîne.
D’ailleurs, les mouvements conservateurs européens qui n’ont que la civilisation européenne pluri millénaire à la bouche épousent eux aussi une forme de fondamentalisme chrétien, même s’il est plus dans les paroles et les évocations que dans les actes. Je vous rejoins sur la radicalité fondamentaliste du siècle. Voir aussi les phénomènes de Mega Church…