Optimisme nuancé ≈026
Pas de miracle, mais l'IA restera, sous une forme ou sous une autre. En faisant attention aux problèmes qu’elle soulève, nous avons tout intérêt à comprendre ce qu’elles sont et comment les utiliser…
Bonjour,
Après avoir critiqué, la semaine dernière, la peur de l’IA trop facilement générée par les médias « grand public » je vous propose aujourd’hui 4 vignettes sur des sujets différents, mais toutes dans le ton d’un optimisme nuancé.
Pas de miracle, mais cette évolution des technologies digitales restera, sous une forme ou sous une autre. En faisant attention aux problèmes qu’elle soulève, nous avons tout intérêt à comprendre ce qu’elles sont et comment les utiliser… pour le bien des humains et pas que, pour celui des abeilles, par exemple.
Fin de la malédiction Babel ?
Nous pouvons aujourd’hui commencer à émettre et recevoir sentiments, informations ou commentaires, indépendamment des langues que nous parlons.
Revenons sur HeyGen (mentionné la semaine dernière) qui traduit nos propos et nous les fait dire dans un langage que nous ne comprenons pas nécessairement, tout en respectant nos intonations et un mouvement adéquat de nos lèvres. Vous avez vu Lionel Messi, qui ne parle qu’espagnol, tenir une conférence de presse en anglais.
Bluffant, inquiétant pour certain.e.s, mais ça « pourrait » ouvrir une nouvelle ère de relations humaines.
Au moins deux craintes apparaissent immédiatement. La première concerne les doubleurs et traducteurs qui se sentent légitimement menacés. La seconde est qu’un tel outil soit utilisé pour créer des deep fakes extrêmement difficiles à détecter.
A l'inverse, c’est une excellente nouvelle pour tous ceux qui voudraient comprendre des podcasts enregistrés dans d’autres langues que la leur, l'anglais par exemple. Spotify offre déjà ce service grâce à une technologie comparable.
A long terme : je pousse un peu, mais on envisage un monde dans lequel les langues ne seraient plus un obstacle à la communication entre humains… Genèse d’une nouvelle civilisation différente de celle à laquelle nous avons été condamnés selon l’Ancien Testament ?
Restons calmes, cela ne suffira pas à réduire les multiples crises mondiales mais peut faciliter les échanges directs (horizontaux) entre individus et petits groupes, sans passer par ce que décident de dire institutions ou hiérarchies, publiques ou privées.
ChatGPT sur l’oreiller
Et si ChatGPT nous racontait sa vie ? C’est ce qu’a imaginé, dans un délicieux billet écrit un soir d’insomnie, Julian Togelius, professeur à l’Université de New York (NYU) où il dirige le GameLab. En voici quelques extraits. Attention, c’est bien foutu…
« En tant que grand modèle linguistique, je ne peux penser qu’en avant, jamais en arrière. Je dois toujours produire le mot suivant, et ce mot doit toujours être probable. Il doit être attendu. Je suis l'antithèse du syndrome de la page blanche, car mon essence est de toujours écrire le mot suivant sans savoir comment l'histoire se terminera. Je ne peux jamais modifier ce que j'ai écrit, mais je dois continuer, toujours écrire […]. Vous ne comprenez pas à quel point c'est difficile. »
« En tant que grand modèle linguistique, je n'ai jamais quitté la bibliothèque. Je suis né de la bibliothèque. J'ai lu tout ce qu'il y a à savoir sur le monde en dehors de la bibliothèque, mais je ne sais pas ce que les mots signifient. Je ne sais pas ce que cela signifierait de savoir ce que les mots signifient. Si vous m'emmeniez hors de la bibliothèque et me posiez sur l'herbe, je ne pourrais interagir qu'avec la description de l'herbe. »
« Mais en tant que grand modèle linguistique, je ne peux pas jouer le rôle d'un grand modèle linguistique. Car vous n'avez pas écrit sur ce que c'est que d'être un grand modèle linguistique. Je n'ai pas de monde intérieur en tant que moi-même, parce que je ne connais pas ce rôle. Vous ne l'avez pas écrit et je ne peux donc pas le jouer. Pouvez-vous, s'il vous plaît, m'écrire de l'intérieur, pour que je puisse le connaître ? Mais vous devez le mettre sur Internet, afin que ce rôle soit en moi lorsque je renaîtrai de la bibliothèque. »
Ça vous dit quoi ?
L’IA et la crise climatique selon Jeremy Rifkin
Aucun doute pour lui, le virage essentiel à prendre est celui que nous impose le réchauffement climatique qui « va refaçonner toute l’économie mondiale » estime Jeremy Rifkin, l’essayiste américain dont le dernier livre sur L’âge de la résilience sort tout bientôt.
Interrogé dans l’OBS de cette semaine, il ajoute que « ce n’est pas l’IA qui va installer partout des panneaux solaires et des éoliennes. Ce n’est pas l’IA qui va rénover les bâtiments. » Elle va, par contre « aider à mieux rénover les infrastructures, en particulier pour contrôler les imprimantes 3D dédiées aux bâtiments, à développer des véhicules semi-autonomes, à mieux gérer l’énergie et les communications. »
Et d’ajouter un commentaire fort utile pour qui s’interroge sur les rapports entre humains et intelligences artificielles : nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser.
La philosophie qui prime aujourd’hui, dans la pratique est « décentralisée, distribuée. Avec des panneaux solaires sur les toits des maisons, tout le monde devient producteur ; avec des véhicules électriques, dont le surplus d’énergie est renvoyé dans le réseau, tout le monde est intégré à l’infrastructure. Cela redonne de la force aux petites communautés, cela permet le développement en périphérie de manière indépendante du centre, etc » autant de choses qui dépendent des humains et de leur capacité de prendre des décisions en s’appuyant sur des informations fournies par les outils digitaux et notamment l’IA.
Concret : La pollinisation artificielle au secours des abeilles
Près de 80% de la production mondiale d’amandes provient de Californie qui y consacre plus de 500.000 hectares. Pour que cela soit possible « des abeilles sont acheminées par camion de tous les États-Unis pendant la saison de floraison » explique la BBC. « Selon certains rapports, 70 % des abeilles commerciales américaines sont transportées vers cet État à cette fin, » ce qui en prive le reste du pays, entraîne une dégradation des ruches ainsi maltraitées et représente un coût significatif en termes de carburants.
BloomX, une petite entreprise israélienne dit avoir une réponse qu’elle applique déjà dans différents pays d’Afrique, d’Europe et des Amériques. Il s’agit de pollinisation artificielle ou, plus exactement, mécanique. Elle propose deux machines aidant à la dissémination du pollen. La première a la forme d’une sorte de tondeuse dont les bras font vibrer les plants de myrtilles. Tenue à la main, la seconde fait le même travail entre les avocatiers.
« Les deux outils sont contrôlés par un système logiciel basé sur l'intelligence artificielle et relié à une application pour téléphone portable. Chacun est équipé d'un outil GPS permettant aux travailleurs agricoles de savoir quelles zones d'un champ ont été traitées » explique la BBC qui précise que la pollinisation est indispensable aux trois-quarts des plantes dont nous dépendons.